Comment le secteur de la santé se modernise et compte se débarrasser du papier
- #Santé
En février 2018, une nouvelle stratégie de transformation a été annoncée par les pouvoirs publics. Celle-ci se traduit notamment par l’accélération du virage numérique qui a amené le gouvernement à définir 3 objectifs stratégiques à l’horizon 2022 : l’accessibilité en ligne pour chaque patient à l’ensemble de ses données médicales, la dématérialisation de l’intégralité des prescriptions, et la simplification du partage de l’information entre tous les professionnels de santé.
Depuis une vingtaine d’année, chaque réforme a permis de faire des avancées dans des domaines bien précis. Ainsi, entre 2002 et 2004, l’accent a été mis sur le dossier médical, puis sur le territoire et la coopération en 2009 et en 2016, sur la médecine de parcours. L’objectif étant, à chaque fois, d’améliorer la façon de prendre en charge les patients grâce à la collecte, au traitement et au partage d’informations pertinentes. Une démarche facilitée par la montée en charge des systèmes d’information, aussi bien à l’hôpital que dans l’ensemble du système de santé. Mais si des progrès incontestables ont été réalisés, beaucoup reste encore à faire.
Sur le papier… tout va bien
Le rapport annuel 2018 de la Cour des Comptes déplore notamment une trop lente diffusion des outils de coordination des soins, tels que la messagerie sécurisée de santé et le dossier médical partagé (DMP). Les rapporteurs déplorent par ailleurs que la dématérialisation des relations entre l’assurance maladie et les professionnels de santé, bien qu’elle soit une source de gains d’efficacité importants, reste partielle. Sur le terrain, la situation est donc contrastée et complexe. Entre la circulation encore massive du papier (courriers, dossiers, résultats d’examens, etc.) et la croissance des flux électroniques, les établissements de santé doivent impérativement revoir leurs méthodes, mieux s’organiser et moderniser leurs outils.
HOP’EN : rapprocher les hôpitaux de leurs patients grâce à des services numériques adaptés
Dans le cadre de la stratégie de transformation du système de santé « Ma santé 2022 » et de son volet numérique, la DGOS (Direction Générale de l’Offre de Soins) a lancé le programme HOP’EN. Et parmi ses nombreux volets, figure la mise à disposition, pour les professionnels de santé, d'un "bouquet de services numériques" et la création d'un espace numérique personnel de santé, pour les patients. Celui-ci comprendra des outils de transmission sécurisée d'avis médicaux, de partage des données de santé via le dossier médical partagé (DMP), d'alertes et d'images (radiographies, scanner, etc.), ainsi qu'un service d'agendas partagés. Des outils d'e-prescription seront aussi disponibles pour une généralisation d'ici 2021. Les professionnels pourront également accéder à un service de prise de rendez-vous en ligne, dont le ministère entend "systématiser" l'usage afin de diminuer le nombre de consultations non honorées.
Une lente métamorphose
Sur le papier donc, tout est fait pour que le système de santé français se modernise en tendant vers la e-santé avec des promesses fortes en termes d’efficacité pour les professionnels et d’amélioration de la qualité des soins pour les patients. Mais plusieurs années seront certainement nécessaires pour que cette énorme machine (plus de 3 000 établissements hospitaliers et 12,4 millions de patients hospitalisés une ou plusieurs fois) qui pèse près de 200 milliards d’euros se mettent au diapason du numérique et de la dématérialisation.
Et si on commençait par le courrier ?
Le secteur de la santé est donc actuellement dans une phase transitoire où la cohabitation du papier et du numérique risque de poser certains problèmes. D’autant que dans ce secteur, la question de la confidentialité, de la sécurité et des données personnelles est de mise. L’un des premiers chantiers à amorcer est donc celui de la gestion du courrier qui continue d’affluer au format papier. Tous les feux sont pourtant au vert pour dématérialiser ce courrier, en tant que copie fiable, suite au décret 2016-1673 du 5 décembre 2016 relatif à la fiabilité des copies, en application de l’article 1379 du code civil (équivalent copie fiable et original papier).
Copie fiable : des conditions à respecter
Il est donc tout-à-fait possible de numériser le courrier entrant et de l’archiver de manière sécurisée afin de pouvoir fluidifier le traitement et le suivi. Le décret cité plus haut précise d’ailleurs les conditions à respecter pour permettre de transformer un document papier en une copie numérique fiable et ainsi de supprimer son original papier : sécurité d’accès au dispositif de numérisation, garantie d’intégrité du document, conservation dans un système d’archivage à vocation probatoire et traçabilité du cycle de vie des originaux papier.
Pas de dématérialisation sans système d’archivage
Il est toutefois toujours difficile de faire entendre les enjeux d’un archivage médical papier, électronique ou hybride, structuré et pérenne, au sein des établissements de santé. Et pourtant, la dématérialisation ne se fera pas sans un solide système d’archivage. Surtout dans une société où les patients n’hésitent plus à engager la responsabilité des soignants et des établissements dans lesquels ils officient. Le SAE va, en effet, au-delà du simple stockage de documents et de données, et intègre des règles de records management (durée de conservation, typologie de document, niveau de confidentialité, etc.). Ainsi, en cas de besoin ou de litige, il permettra de vérifier le déroulé des différentes étapes du processus de soin (consentement, analyses, examens, comptes-rendus, prescriptions, etc.) et ce, avec un accès rapide aux éléments de preuve associés. En attendant, il faut encore composer avec le papier.
Le DPI n’est pas un dispositif magique
Le secteur ne s’est pas encore vraiment emparé du sujet et invoque toujours les mêmes arguments pour se défausser, à savoir l’importance des volumes papier des dossiers médicaux et donc des surfaces occupées, le manque de ressources et de moyens, le déploiement du DPI (Dossier patient informatisé) qui, pour certains, se substituera comme par magie à tout l’historique des parcours de soins d'un patient, etc.
Place maintenant à la GED RH et aux dossiers agents
Une fois la question du courrier réglée, la gestion des ressources humaines peut être abordée. Car le secteur de la santé est un gros employeur et un important générateur de documents papiers. La dématérialisation des dossiers agents n’est donc pas un mince enjeu et devrait permettre de désengorger les services RH. Rappelons que le dossier individuel d’un agent public doit se conserver 80 ans à partir de la date de naissance de l’agent (Arrêté du 21/12/2012, consolidé le 24/04/2019, au lieu de 90 ans auparavant) et qu’il comprend en moyenne quelques 200 feuilles. Mais pour que cette dématérialisation RH soit réussie, certains points sont essentiels.
Long is the road
Le chemin sera encore long avant que la digitalisation imposée par le programme Action Publique 2022 soit une réalité tangible et que le papier ne fasse plus partie des procédures (surtout avec une population vieillissante). Chaque établissement va donc devoir créer sa propre feuille de route sur plusieurs années, trouver son positionnement dans l’état de l’art actuel de la dématérialisation et identifier les actions à entreprendre, en hiérarchisant les priorités. En effet, il ne suffit pas de copier à l’identique, en version numérique, les procédures qui existaient jusqu’à présent en papier pour entrer dans l’ère de la e-santé. La dématérialisation n’est efficace que si les procédures sont revues et simplifiées, et que si elle est adossée à un système de gestion dédié, doublé d’un archivage pour la traçabilité.
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